Commissaire de l’exposition : Caroline Robe
LES PHOTOS DU VERNISSAGE :
Toy camera
(Diana, Holge et ses amis)
JOUER POUR « VOIR »
Dix photographes ont répondu présent pour prendre le chemin des écoliers munis de « jouets », simples boîtes de cartons ou coques de plastique.
Ils nous proposent une vision du Nord au travers d’une photographie aléatoire.
Des images réalisées d’une façon ludique au résultat surprenant ! Jouant en fait des accidents, ces photographes se situent à contre-courant.
Poétique du petit trou, le goût saumâtre d’une pupille de plastique pour saisir la lumière du monde.
Exposition 5 juin au 26 juin 2011.
Ouvert les samedis et tous les dimanches de 15h à 18h, et sur rendez-vous au 06 15 79 18 25
en savoir plus sur le programme des Transphotographiques 2011
Si l’on en croit le titre de l’exposition, c’est le jeu et le “voir” qui relient la démarche des artistes photographes présentés ici.
Mais qu’est-ce que jouer ? Qu’est-ce que voir ?
C’est peut-être dans un premier temps se livrer à une opération d’un genre nouveau sur le réel. Y déployer un ensemble de transmutations et de métamorphoses qui le donnent à voir en le rendant autre.
Jouer, c’est mettre à distance, instaurer un jeu entre moi et le monde pour
y inventer des stratégies qui me permettent de le rejouer. C’est l’enfant qui affirme avec toute la certitude de son innocence “on dirait que” ou encore “on ferait comme si”.
Finalement le propre de l’homme serait cette capacité à se détacher du monde en le représentant afin de mieux s’y projeter.
L’enfance du regard, c’est là le point d’insertion qui permet de comprendre la
proposition “toy’s camera”. À l’heure où la technique photographique -avec l’arrivée et l’essor du numérique- permet de créer des images ex nihilo ; les artistes qui ont accepté de “jouer le jeu” ont choisi de revenir à l’élémentaire. Un retour au premier regard comme on le dit d’une relation amoureuse qui commence.
Le premier regard du photographe est sans doute un moment souverain. Un geste atechnique, une perception pure qui se joue entre l’oeil et le monde.
La tâche qui incombe à l’artiste est alors de retrouver cet instant là pour le réitérer, le donner à voir une deuxième fois. Il s’agit d’un éclat séminal qui suppose la promesse d’une révélation.
Le retour à l’élémentaire accompagne ce processus. On pourrait dire que l’enfance du regard rejoint l’enfance de l’art. L’épiphanie du monde comme premier oeil se joue aussi dans les histoires de chambre noire, de lentille, de tirage et de révélateur.
Dans le monde réellement renversé le faux est un moment du vrai. Pour atteindre ce moment vrai, il faut comprendre que l’artiste se met en jeu et par là-même en danger. Par ses images il assume le double du monde -sa
duplicité- pour en livrer la teneur véritable.
Refuser le confort de la technique.
Assumer l’aléa du procédé rudimentaire.
Montrer ses lieux d’enfance où s’enracine l’errance à venir.
Peu d’artistes acceptent ce retour au primitif et à l’archaïque. Ce moment où l’on se détache de “l’enfance animale” qui nous déborde et où l’on comprend que la seule issue est d’agir sur le monde en le représentant.
Le geste authentique du photographe se situe là. Dans cet instant où le monde cesse d’être en lui pour lui faire face. Là devant, dans ce dehors nu qui m’échappe alors que je le croyais mien.
L’image photographique est ce regret éphémère, cette mélancolie primordiale qu’il faut se réapproprier en la partageant. Geste inaugural qui fonde l’humanité de Lascaux à Walker Evans si l’on ose dire.
C’est peut-être cela le jeu de la photographie pauvre.
Revenir à l’indicible, cette cruauté de l’enfance qui voit le monde m’échapper et me dépasser, et en faire une image armé d’une simple boîte. Se venger du temps avec l’audace folle du garnement qui invente son univers. Seul un enfant, ou un artiste, peut prendre cette histoire au sérieux, au point d’y jouer sa vie.
“Maturité de l’homme, cela signifie avoir retrouvé le sérieux que l’on mettait dans ses jeux, enfant” - Nietzsche (Par delà bien et mal).
C’est sans doute ce défi que les artistes présentés ici ont accepté de relever.
François Ide – Avril 2011
Phil Barth
Si Phil BARTH multiplie les fonctions, graphiste, directeur artistique, dessinateur et peintre, c’est parce que le choix, quant aux formes de toutes ces expressions artistiques était impossible.Mais sa véritable passion était la photographie.
Depuis son plus jeune âge, il capte le monde au travers de ses clichés tant amateurs que professionnels. A 10 ans, pour son anniversaire, il reçoit de la part de ses parents un instamatic kodak en plastique noir et métal argente avec lequel il découvre les joies de portraiturer ses ami(e)s et son environnement.
Ce cadeau est une véritable révélation pour ce gamin qui serait peut être devenu comédien, cinéaste, videaste, peintre ou "rien du tout".
Émotion et sensibilité se dégage de son travail.
Philippe BARTH se distingue par son sens du cadrage, de la lumière et l’authenticité de ses photos.
Vit et travaille a Bruxelles depuis les années 2001.
François Daumerie
« à propos de Toy-cameras... » |
Patrice Deregnaucourt
Sténopé, cheminement rêveur Trou d’aiguille dans la fuite du temps, Long temps de pose, Pause. |
K-poon Dubus
K-poon Dubus développe depuis quelque années un travail personnel très éloigné des impératifs de la photographie de commande. Dans le sillage des maîtres de la Street Photography, il essaie en toute Après 2 années de formation en laboratoire, il travaille dans la photographie publicitaire. En 2009, il quitte un studio publicitaire pour s’installer et mener à bien à bien ses projets photographiques. |
Eric Keller
Je me demande parfois à quoi ressembleraient mes photographies si j’étais né ailleurs qu’à Dunkerque. Lorsque j’étais enfant, nous allions attendre mon grand-père à la sortie des chantiers navals. Mes grands parents paternels étaient polonais, immigrés en France au début des années 30. Nous prenions soin d’éviter les cheminées d’aération, profondes comme des puits qui s’ouvraient au ras du sol, sans protection, cachées par les Il arrivait aussi qu’en s’aventurant au bord des cales sèches, on puisse approcher l’un de ces Léviathan dont les hautes parois rouillées évoquaient un Moby Dick prisonnier dans la cage d’un zoo. Comme la peau épaisse d’un pachyderme centenaire, la tôle portait des traces de blessures, infligées par l’eau salée de tous les océans du monde. Sur la peinture écaillée, rongée par la rouille, on devinait le nom du vaisseau, tracé en cyrillique ou en idéogrammes asiatiques et on s’interrogeait sur les hasards qui l’avaient mené jusque là. Sous la ligne de flottaison, les mollusques incrustés dessinaient des chaînes de volcans, des cordillères des Andes. Nous l’imitions en manipulant maladroitement de nos petites mains ses merveilleux outils patinés et polis par l’usage. De leurs orbites noires, tournées vers la mer, les blockhaus suivaient notre progression. Quels songes douloureux ces crânes de béton abritaient-ils ? Ne chuchotaient-ils pas dans le vent du Nord ?... |
Alan Marsh
Alan Marsh est un photographe Anglais, basé dans son studio à Londres. Il est spécialisé dans la photographie culinaire et de nature morte/still life et travaille principalement pour des agences de communication, de design et de l’édition. Né à Douvres, il a grandi en observant le nord de la France. C’est un des passe-temps favoris des gens de Douvres que d’observer - avec de préférence des jumelles - ce qui se passe de l’autre côté de la Manche et de s’émerveiller à chaque signe de vie qui peut se deviner à l’horizon. Il n’était qu’un écolier quand il découvrit la magie de la photographie. Il suivit sa passion en étudiant la photographie at Medway College of Art & Design in Rochester in Kent et en travaillant ensuite comme assistant pour plusieurs photographes de publicité à Londres. Il revisite le terrain qui connecte l’Angleterre au nord de la France. Il a trouvé le manque de contrôle technique très difficile, car ces appareils ont une prise de vue et un réglage d’exposition très limités mais en même temps ces limitations lui ont permis d’adopter une approche nouvelle de l’objet, une approche plus rafraichissante qui au delà de l’aspect technique et lui ont permis de se concentrer sur les formes sculpturales de la nature. Chacune d’elles est un C Type Fuji Chrystal Archive Print avec un large bord blanc.
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Perlinpinpin
« En pratiquant la sténopéphotographie et en m’intéressant à son histoire, je mariais plusieurs passions. Même si je n’ai pas délaissé les appareils à objectif classique composé de lentilles de verre, utiliser un simple trou d’épingle pour fixer l’image d’un objet, une personne, une scène, c’est un peu retourner aux débuts de la photographie, quand les pauses étaient longues, qu’il fallait être un peu scientifique, un peu bricoleur pour réussir ses clichés. J’ai aimé courir les foires à la photo, à Bièvres et ailleurs, pour collectionner les petites plaques de laiton, de cuivre, dans lesquelles les sténopéistes du passé ont fait leur trou d’épingle. Skomvaer, Worway. 1997 (Sténopéphotographie) |
Fabrice Poiteaux
« Par le petit trou de ma chambre, on voit des mondes, il y a des rivières de lumière qui l’inondent. Dans cette petite boite, toute inversée, on marche au plafond avec une grande insolence. Avec ce petit trou, bien rond douillet, planté tout au milieu, il y a des bascules, dont la lente puissance a pour objectif, la mise en évidence du monde et ses obsolescences. » |
Caroline Robe
"Mémoire de la lumière" C’est à cette question que se confronte le travail de Caroline Robe. Très tôt, elle collectionne toutes sortes d’images qu’elle découpe dans les magazines, les journaux ou les missels jaunis ; constituant ainsi le grimoire personnel de « ses années ». La question de la fabrication des images rejoint celle de la collection. C’est à présent la lumière qui va sceller les deux dimensions de sa recherche. Caroline Robe vagabonde, elle s’abandonne aux lieux et aux paysages comme ces derniers s’imprègnent en elle. Trace de lumière, faisceaux qui se glissent entre chemins et passages étroits, forêt de clair-obscur. L’artiste trouve là la matrice qui va nourrir son travail. Car ce qu’elle veut, c’est partir d’un point de lumière pour recréer une image, un monde, un univers. Comme cette lanterne magique qui déroulait sa féerie sur les murs de sa chambre d’enfant. La recherche de l’inframince chez Caroline Robe se mesure parfois au mystère de la réminiscence proustienne. C’est alors qu’un nouveau dispositif se déploie dans le travail de l’artiste. Puis, au terme du processus, l’ombre et la lumière s’inversent sur le papier à dessin et se fixe alors le cyanotype. Image réitérée mais toujours différente comme l’instant qui se fixe à mesure qu’il s’efface. |
Jacques Van Roy
Le jeu photographique. Il n’y a que dans les accidents que l’ensemble du processus se révèle, la dimension du jeu et l’incontrôlé permet de détecter les lois de séries tout comme le scientifique qui répète une expérience à l’infini, « un jour ça va marcher » pourquoi ? C’est dans ce « credo » que je me tiens depuis mes débuts en photographie. |